Histoire de la grenade : Les conditions pour les témoignages archéologiques concernant la grenade sont mauvaises puisque le fruit est la plupart du temps consommé frais et que la peau riche en eau éclate lorsqu’on la chauffe. Comme des expériences le montrent, seules les vieilles grenades à la peau relativement desséchée ont une chance de se fossiliser et d’arriver ainsi jusqu’à nous. On a retrouvé une grenade fossilisée dans des couches du début de l’âge du bronze dans le Tel es-Sa’idieh en Jordanie. À la fin de l’âge du bronze, on fabriquait à Chypre et en Égypte des récipients en verre colorés en forme de grenade. Le bateau Uluburun, retrouvé en Turquie près de Kas, contenait des amphores chypriotes avec plus de 1 000 graines de grenade. D’après les récipients, on peut le dater de la période du XIVe au XIIIe siècle av. J.-C. (SM IIIA2). Dans la tombe d’un haut fonctionnaire égyptien de l’époque de Ramsès IV, on a retrouvé des grenades comme offrandes funéraires. Dans le Tell Deir Alla jordanien dans la vallée du Jourdain, on a trouvé des grenades dans des couches de l’âge du fer. En Allemagne, la présence de grenades est archéologiquement prouvée dans la ville de Constance au Moyen Âge.
La grenade dans les civilisations : La grenade est le symbole de la déesse syrienne Atargatis.
– Mythologie grecque : Dans la Grèce antique, la grenade était attribuée aux divinités des Enfers, Hadès et Perséphone. Hadès, le dieu des Enfers enleva Perséphone à sa mère Déméter et l’emmena aux Enfers. Zeus, le père des dieux, décida que la jeune fille pourrait retourner auprès de sa mère si elle n’avait rien mangé aux Enfers. Peu avant son départ, Hadès lui enfonça six arilles de grenade dans la bouche. Puisqu’elle avait bien mangé quelque chose aux Enfers, elle dut régner la moitié de l’année aux Enfers (automne et hiver) mais put rejoindre sa mère durant l’autre moitié (printemps et été) ;
Le Troyen Pâris mit fin à la dispute entre les déesses grecques Héra, Athéna et Aphrodite pour savoir qui était la plus belle en donnant une pomme (une grenade) à Aphrodite.
– Mention dans la Bible : Dans la Bible, la grenade passe pour un des 7 fruits importants qui étaient une bénédiction pour la Terre Promise d’Israël. Selon la description dans Exode 28 au verset 33, les grenades étaient une partie de l’Ephod (= vêtement de cérémonie) du grand prêtre dont Dieu aurait ordonné la confection au peuple d’Israël. Les chapiteaux des 2 colonnes en minerais Jachin et Boas devant le temple de Salomon étaient décorés de deux rangées de grenades (1R 7, 18). Le premier roi d’Israël, Saul, habita un certain temps sous un grenadier (1S 14, 2). Dans le Cantique des Cantiques de Salomon, le mot grenade est utilisé plusieurs fois pour décrire la beauté féminine (Ct 4,3.13 ; 6,7). Pour finir, on trouve aussi le grenadier chez les prophètes Joël 1,12 et Hag 2,19.
– Mention dans le Coran : Le fruit est mentionné dans le Coran aussi dans les sourates suivantes :
Les Bestiaux (sourate 6), 99 « Et c’est Lui qui, du ciel, a fait descendre l’eau. Puis par elle, Nous fîmes germer toute plante, de quoi Nous fîmes sortir une verdure, d’où Nous produisîmes des grains, superposés les uns sur les autres : et du palmier, de ses ombelles, pendent des régimes de dattes. Et aussi les jardins de raisins, l’olive et la grenade, si semblables ou dissemblables. Regardez leurs fruits au moment de leur production et de leur maturation. En vérité, voilà bien là des signes pour ceux qui ont la foi. »
Les Bestiaux (sourate 6), 141 : « C’est Lui qui fait pousser des jardins avec des vignes en espaliers ou non, et les palmiers dattiers et les champs de céréales, aux récoltes diverses et l’olive et la grenade, si semblables et dissemblables. Mangez de leurs fruits, quand ils en portent, mais payez-Lui les droits au jour de la récolte et ne gaspillez point. En vérité, Il n’aime pas ceux qui font des excès. »
Le Miséricordieux (sourate 55), 68 : « Dans les deux, il y aura des fruits, des palmiers et des grenadiers ».
– La grenade dans la symbolique : La grenade est depuis des temps immémoriaux symbole de vie et de fertilité, mais aussi de puissance (orbe impériale), de sang, de mort et de sexualité. Dans la civilisation mésopotamienne antique, la grenade est un fruit associé aux relations sexuelles et en particulier à la procréation. Dans la symbolique chrétienne, la grenade représente l’église comme ecclésia, c’est-à-dire comme communauté des croyants. Elle symbolise le fait que la Création procède dans la main de Dieu, la providence. Elle est en outre aussi le symbole de la prêtrise parce qu’elle porte des fruits riches dans sa peau dure (métaphore de l’élévation spirituelle dans l’ascèse). En raison de cette symbolique, la grenade est représentée sur de nombreux tableaux du Moyen Âge. C’est ainsi que sur le tableau, la Madone Stuppacher de Matthias Grünewald 1517/1519, l’enfant Jésus joue avec une grenade que sa mère lui tend. Le fruit donne la clé de la phrase associée à ce tableau selon laquelle Marie est la mère de l’Église. Dans l’église catholique la grenade est rapidement devenue le symbole de Jésus. D’autre part, la grenade est chez beaucoup de peuples symbole d’amour, de fertilité et d’immortalité.
L’emblème de l’ordre des Frères Miséricordieux est une grenade avec croix. D’une part l’ordre fut fondé dans la ville espagnole de Grenade qui a la grenade dans ses armoiries comme la province du même nom et beaucoup de ses localités ; elle figure aussi sur les armoiries de l’Espagne où elle représente l’ancien Royaume de Grenade après la reconquête par les rois catholiques.
En Chine, elle est le symbole de fertilité et d’un grand nombre d’enfants à cause de ses nombreux pépins.
En Franc-Maçonnerie, la grenade est aussi utilisée symboliquement. Généralement une ou plusieurs grenades sont représentées au sommet des deux colonnes qui ornent l’entrée du temple maçonnique. Par sa croute dure et ses grains serrés, elle symbolise la maçonnerie : difficulté d’y entrer et cohésion de ses membres.
– Divers intérêts pour la grenade : Jean Nicot employa le nom de migrainier et migraine pour désigner ce fruit, probablement par contraction de mille graines.
La grenade a donné leur nom à la grenade (projectile explosif) et au grenat, pierre semi-précieuse d’un rouge écarlate, peut-être aussi à la ville de Grenade dont les environs sont aujourd’hui encore une zone importante de culture de ce fruit.
Le poème de Paul Valéry « Les Grenades » parut dans le recueil de « Charmes » en 1922.
L’écrivain allemand Stefan Andres a publié en 1950 un recueil de poèmes intitulé « La Grenade ».
La poète Algérienne Samira Negrouche publie « A l’ombre de Grenade » en 2003, où elle fait référence à la ville mais aussi au fruit.
Salvador Dalí utilisa plusieurs fois les grenades dans son œuvre notamment dans Rêve causé par le vol d’une abeille autour d’une grenade, une seconde avant l’éveil.
Le philosophe Jacques Derrida renvoie dans un de ses textes à la symbolique religieuse de la grenade.
Le peintre Krikor Agopian a consacré plusieurs de ses œuvres aux fruits des dieux.